Fraternité et Humanité dans les tranchées
Joyeux Noël, un film et un livre de Christian Carion
Le destin croisé de trois soldats sur le front en 1914, le français Audebert, le pasteur écossais Palmer et l’ex-ténor berlinois Sprink, dont les « vies d’avant » sont bouleversées par le conflit mondial. La guerre de tranchées s’enlise peu à peu en une situation d’attente jusqu’à l’arrivée de la neige et de la période de Noël : et là, miracle de l’humanité, les ennemis sortent peu à peu de leurs trous guerriers pour se saluer, échanger qui des cigarettes qui des victuailles envoyées par les familles, et entonner en plusieurs langues mais conjointement les chants de Noël.
L’histoire reprend, sur le mode de la fiction, plusieurs épisodes de fraternisation entre ennemis qui ont réellement eu lieu, surtout vers la Noël 1914, et qui sont attestés par de nombreux témoignages.
Le réalisateur Christian Carion découvre cette réalité à la lecture d’un ouvrage d’historien, puis peu à peu l’ampleur du phénomène qui a impliqué des milliers de soldats de tout bord. Ce n’est pas, à priori, une révolte contre la hiérarchie ou contre la folie de la guerre, non, plutôt une simple pause, une trêve entre des soldats ennemis qui, finalement, prennent conscience, de par les conditions de vie du front ou les origines sociales similaires, qu’ils ont plus de points communs que de différences irréconciliables.
Ces évènements surréalistes prirent de court les états-majors qui, s’ils ne se livrent pas aux décisions extrêmes qu’ils prendront plus tard (pelotons d’exécutions), mirent tout en œuvre pour stopper ces manifestation de « rebelles », comme elles sont mentionnées à l’époque. Par la suite, à l’inverse d’autres pays ayant participé au conflit, la France et son armée vont minimiser ou effacer graduellement les traces de ce genre d’épisodes : le sujet du film fait qu’on refusera même le prêt de terrains militaires pour reconstituer les scènes du front !
On peut lire un témoignage écrit véritablement exceptionnel sur ce type d’évènement : ce sont « les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier » écrits par un paysan de l’Aude, caporal dans les tranchées pendant les quatre années du conflit (dont il ressortira vivant !). Redécouvert par Rémy Cazals, c’est un témoignage unique car rédigé par un homme de la troupe qui, à l’issue de la Guerre, va retranscrire et ordonner en 19 « cahiers » les centaines de feuillets qu’il a annotés durant ces années au front.
Il y relate notamment les fraternisations franco-allemandes en Artois auquel il participe en décembre 1915, quand des pluies torrentielles obligent les ennemis à déserter leurs tranchées respectives. Il écrit à cette occasion :
« Français et Allemands se regardèrent, virent qu'ils étaient des hommes tous pareils. »
Et puis il adressait, du fond de sa tranchée près d'Arras, une demande prémonitoire. « Peut-être un jour sur ce coin de l'Artois on élèvera un monument pour commémorer cet élan de fraternité entre des hommes qui avaient l'horreur de la guerre et qu'on obligeait à s'entre-tuer malgré leur volonté. »
100 ans plus tard, le Monument des fraternisations a été inauguré par le président François Hollande à Neuville-Saint-Vaast (Pas de Calais), sur les lieux même de « l’appel » de Louis Barthas, à la mémoire de ces gestes d’humanité en pleine période de barbarie.
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